Chapitre 2 : les grottes de Xarkadh

- Oui, tu pourrais me refaire la même chose en français, tu sais, le français, s’il te plaît ? quémanda Greaththorn après qu’Aghnar eut fini de débiter une tirade composée de balbutiements, de grommellements et de murmures ennuyés qu’on rangera dans la catégorie incompréhensible.
- Ton père parti euh il est parti avec sa barque il y a plus de 6 heures et je tu il est pas rentré je sais pas tu crois que c’est il lui est arrivé quelque chose j’ai peur que, lui relata plus ou moins le voisin, dont la tension ne semblait pas retombée.
- Et alors, il est à peine 5 heures, il a du s’éloigner plus que de raison de la côte et ne tardera pas à rentrer, expliqua Greaththorn (l’orage n’avait pas atteint Zeniarth).
Aghnar lui montra alors le bout de barque qui avait échoué sur la plage, ce qui embarassa plus Greaththorn
- Apprête ta barque, nous devons partir à sa recherche, lui lança-t-il.
Tandis qu’Aghnar, tremblant d’inquiétude, se précipitait sur la plage, Greaththorn rentra dans la taverne dont il venait de sortir et bouscula un manant qui en sortait, lui démettant malencontrueusement l’épaule contre une table par la même occasion. D’une façon tout aussi chaotique que l’avait fait son ami tout à l’heure, il expliqua aux clients quel danger renfermait la situation, et chacun des habitués, solidaire envers le brave pêcheur, qui était plutôt bien vu dans le village, partit larguer ses amarres à la recherche du naufragé. Greaththorn retrouva son ami sur la plage. Il s’était écorché le genou en voulant aller trop vite, et du sang maculait le bas de son pantalon de toile. Mais la barque était sur l’eau et Greaththorn sauta dedans, pressant son compagnon de lui donner une rame. Un hennissement suivi d’une grande éclaboussure les surprit. Le chevalier, celui-là même qui s’était si orgueilleusement comporté envers notre héros, venait de jeter sa monture à la poursuite de la barque. Ses intentions étant claires, il laissa Gurthan, car ainsi se nommait-il, monter à bord. Le cheval, vexé d’être ainsi dénigré, regagna la rive sans empressement excessif.
- Il serait honteux qu’un chevalier n’aide pas les gens du commun en détresse, s’exclama le chevalier en question, faisant tiquer à nouveau le fringuant Greaththorn, qui haïssait cette manière pompeuse de s’exprimer. Notez que peu de dangers guettent votre père sur cette mer, tant qu’elle ne se montre pas houleuse, donc quittez ce visage affligé, il ne vous va pas du tout, très cher…
Greaththorn traduisit : « je m’en fous que votre père meure, tant que cette quête peut me donner quelque récompense ou expérience », mais se garda bien de le faire remarquer, le secours d’un chevalier étant bien utile dans ce genre de circonstances. D’un regard il intima le même ordre à Aghnar, que les manières suffisantes du chevalier exaspéraient pareillement.
Il n’y a que peu à dire sur ce voyage, si ce n’est que le chevalier prit la rame d’Aghnar au bout d’un court moment, le malheureux villageois n’étant que fort peu porté sur l’exercice physique et commençant à émettre des bruits rauques et graves en guise de respiration. Intéressons-nous donc plutôt au destin de Sekknar, qui « accosta » sur ledit rocher sans trop de regrets ni de problèmes, laissant à la mer le bout de coque qui ne tarda pas à l’engloutir, par le truchement il est vrai de quelques récifs qui traînaient dans le coin. Mais le pêcheur, faisant quelques pas, constata qu’il n’était pas plus avancé, le rocher n’étant pas le moins du monde relié au continent ni à quelque terre d’ailleurs. Il remarqua cependant un minuscule orifice, qui descendait au-dessous du niveau de la mer dans des profondeurs obscures, enfin bref une caverne ordinaire quoi. Nullement méfiant n’était Sekknar, et il le prouva en descendant hardiment à l’assaut de l’inconnu, qui se résumait à une grotte naturelle pourvue de moults stalactites et stalagmites, en proportion inégale d’ailleurs mais ce n’est pas très important, de quelques résidus calcaires, d’un bon feu de branchages pas très ancien, de quelques concrétions et…
Un bon feu de branchages ? La grotte avait-elle donc servi de bivouac à quelque plus ancien naufragé ? Son enthousiasme retomba quelque peu lorsqu’il constata que la grotte avait de plus servi de tombeau au naufragé en question, car il connaissait peu de gens qui, quittant une grotte, y laissaient tout leur équipement ainsi qu’une flaque de sang séché, mais il avait du l’être par le temps soit dit en passant. Sekknar regarda aussi loin qu’il le pouvait, mais ne vit aucune créature tapie dans les ténèbres. Il décida de fouiller l’équipement près du feu, après tout quelqu’un qui transportait des branchages avec lui devait bien avoir… une boîte de fusée éclairante ! la plupart étaient bien entendu inutilisables, ceci dû à l’humidité de la caverne. Il en manquait également deux, témoins de la tentative d’appel au secours qu’avait lancé le pauvre naufragé. Néanmoins, au fond de la boîte, Sekknar en trouva une de qualité moyenne, mais cependant utilisable. La chance semblait enfin tourner et, enthousiaste, Sekknar ressortit à l’air libre et monta avec agilité jusqu’au sommet gris, et lança la fusée avec toute la détermination nécessaire à ce geste, et aussi il faut bien le dire, avec le petit mécanisme prévu à cet effet qui ressemblait à l’embouchure d’un canon de mortier. La fusée s’éleva dans les airs, bien droite, tandis que le lanceur dégringolait la pente, surpris par le recul. Il se releva à temps pour voir la fusée exploser, claire et scintillante, dans le ciel dont les tourments s’apaisaient. En espérant que quelqu’un verrait son appel, il… euh… et bien en fait il provoqua par son poids l’éboulement de la corniche où il se trouvait, et comme cela arrive souvent dans ce genre de circonstances, tout devint noir.

- Il est pas là hein, pleurnicha Aghnar en se tordant les doigts, de plus en plus inquiet.
Le chevalier allait lui servir une réplique cinglante de son crû pour lui intimer l’ordre de garder le silence, lorsque Greaththorn, pointant son doigt en direction de l’ouest, s’exclama :
- Regardez, dans le ciel, quelque chose a explosé !
Le chevalier, qui scrutait l’eau dans une autre direction, se retourna à temps pour voir la fin du spectacle et dit avec enthousiasme :
- C’est une fusée de détresse ! Hardi, jeune homme, ton père se trouve de ce côté sans aucun doute !
Et, plus promptement que jamais, ils partirent vers l’origine de cet appel.

La première chose que Sekknar dit en revenant à lui fut :
- Où suis-je ?
En effet, il régnait un noir opaque à cet endroit et le souvenir qu’il avait du rocher était plus ensoleillé. Il remarqua, quelques mètres plus haut, un trou dans la roche, qui filtrait un mince rayon de soleil, et comprit qu’il avait glissé plus bas que prévu dans sa chute, la pierre ne devait pas être très solide.
- Dans les grottes de Xarkadh, lui répondit-on.
- Merci, ça me fait une belle jambe, ironisa le pêcheur.
Puis il se demanda qui avait parlé.

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